Femme noire
Femme nue, femme
noire
Vétue de ta
couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton
ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au
cœur de l'Eté et de Midi,
Je te découvre,
Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me
foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un aigle
Femme nue, femme
obscure
Fruit mûr à la
chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux
horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
Tamtam sculpté,
tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de
contralto est le chant spirituel de l'Aimée
Femme noire,
femme obscure
Huile que ne ride
nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du
Mali
Gazelle aux
attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux
de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire
A l'ombre de ta
chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta
beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
Avant que le
destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Léopold Sédar Senghor, Chants d'ombre
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0xB-Bs-oUJ0a_PMgzwIqKr87Zkjd_7M-1Q1JU_onhsiBcitfYNm1tOEc-JzANoR9xglGZ6g07qb90HqZK_eP7txH7w_CEwApPQfPSc5fV7oCWin1kKyMLRE0OJ1ARLjq0KFKqXtsYxw6L/s1600/IMG_0182.jpg) |
Pintura de mi sobrina H.M.A. Fotografía de Diego Morales. |
Mujer negra
¡Mujer desnuda, mujer negra,
Vestida del color que es tu vida, de tu forma que es
belleza!
Crecí bajo tu sombra; la dulzura de tus manos vendó
mis ojos
Y he aquí que en el corazón del verano y del mediodía,
te descubro
Tierra prometida, desde lo alto de un cuello calcinado
Y tu belleza me fulmina en pleno corazón, como el
alumbramiento de
un águila.
Mujer desnuda, mujer oscura
Fruto maduro de carne firme, extasiadas sombras del vino
negro, boca que
hace lírica mi boca
Sabanas de horizontes puros, sabanas que se estremecen
a las caricias
fervientes del viento del Este
Tam-tam esculpido, tam-tam tendido que ruge bajo los dedos
del vencedor.
Tu voz grave de contralto es el canto espiritual del
Alma.
Mujer desnuda, mujer oscura
Aceite que ningún soplo perturba, aceite quieto en los
flancos del
atleta, en los flancos del príncipe de
Malí
Gacela unida a las estrellas, las perlas son estrellas
sobre la noche de
tu piel
Delicias de los ojos del espíritu, los reflejos del oro
encarnado sobre tu
piel que reverbera
A la sombra de tu cabellera, se ilumina mi angustia
en los soles
próximos de tus ojos.
Mujer desnuda, mujer negra
Yo canto tu belleza que pasa, forma que fijo en la Eternidad,
Antes que el destino celoso te reduzca a cenizas,
para nutrir las
raíces de la vida.
Léopold Sédar Senghor, Chants d'ombre
Traducción de Miguel Ángel Flores